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4 décembre 2011

Plan détaillé: dissertation sur le théâtre

 

Vous discuterez cette affirmation faite par Antoine Vitez alors qu'il évoquait la création d'un « atelier permanent de farce et de tragédie » au Théâtre d'Ivry :

« Il y a en effet beaucoup de parenté entre la farce et la tragédie. L'une et l'autre sont fondées sur une idée de l'absolu, et sur une folie, un sens de l'impossible, qui les désignent à nos yeux comme le théâtre par excellence. »

 

Programme de La Jalousie du Barbouillé (1974), dans Le Théâtre des idées, Gallimard, 1991.

 Alors qu'il évoquait la création d'un « atelier permanent de farce et de tragédie » au Théâtre d'Ivry, Antoine Vitezthéâtre affirme « Il y a en effet beaucoup de parenté entre la farce et la tragédie. L'une et l'autre sont fondées sur une idée de l'absolu, et sur une folie, un sens de l'impossible, qui les désignent à nos yeux comme le théâtre par excellence. » Quand, dans lePetit Robert la tragédie est définie comme : « une œuvre dramatique en vers, présentant une action tragique dont les événements, par le jeu de certaines règles ou bienséances se traduisent essentiellement en conflits intérieurs chez des personnages illustres aux prises avec un destin exceptionnel » et qu'en face dans son Dictionnaire historique du théâtre (1885) Pougin qualifie les farces de «  petites pièces courtes, d'un comique bas, trivial, burlesque et la plupart du temps très licencieux, qui cherchaient surtout à exciter le gros rire de la foule. » il paraît difficile de concilier farce et tragédie. Cette grande « parenté » entre farce et tragédie supporte-elle la contradiction de deux genres semblant fondamentalement distincts ?

Il s'agira de décrire comment se décline la symétrie entre la tragédie et la farce tout en prenant en compte le point de vue adverse à travers la scission entre ces deux genres au sujet des thèmes, des personnages et du public. Enfin, nous terminerons notre raisonnement en démontrant que cette distinction s'est effacée au fil du temps, allant du brouillage des genres à travers l'invention de genres intermédiaires à la remise en cause totale de la question du genre.

 

 I. Une parenté certaine entre farce et tragédie.

 Victor Hugo : « Shakespeare a la tragédie, la comédie, la féerie, l'hymne, la farce, le vaste rire divin, la terreur et l'horreur, et pour tout dire en un mot, le drame... Le rayonnement du génie dans tous les sens, c'est là Shakespeare ».

 1. Genre comique et tragique rapprochés dès Aristote

-Pour Aristote l’action est la notion centrale des trois genres que sont l'épopée, la tragédie et la comédie. Tous se ressemblent car ils représentent des actions dont les actants sont des hommes : représentation de personnages agissants. La farce n'existant pas encore au IVème siècle en ces termes (bien que l'on puisse considérer Plaute par exemple, comme précurseur, avec La Comédie de la marmite), nous considérerons qu'à posteriori il est possible de l'intégrer dans le genre comique dans le sens (restrictif) où toutes deux font rire.

-De plus Aristote est sensible au mode de narration, qu'importe que ce soit une comédie ou une tragédie, la narration passe par le discours direct mimesis. Cette catégorisation est fonctionnelle aussi en ce qui concerne la farce.

-Rq :Bien que nous ayons rattaché précédemment la farce au genre comique il faut cependant préciser que certains critères étant communs à la comédie et la tragédie ne le sont pas à la farce et à la tragédie et que la farce (qui a longtemps été dépréciée) n'est pas la comédie. En effet, au XVIIème siècle lorsque naît la règle des trois unités (fondant une définition extrêmement précise et rigide du théâtre), il n'est pas question de ce respect en ce qui concerne la farce.

 2. L'idée de l'absolu dans les deux genres

 Comment comprendre le terme d'absolu? Peut-être au sens de « Qui n'admet aucune limitation dans son exercice ou ses manifestations » (TLF).

 -Au niveau des personnages :

La tragédie ne se refuse aucune limitation dans le rang des personnages qu'elle met en jeu : beaucoup de dieux dans les tragédies de l'Antiquité mais aussi de nobles personnages toujours (de nombreux rois, statut se trouvant juste après celui de Dieu). Cf. Aristote qui écrit sur des « hommes plus grands que nature».

La farce n'accepte pas de limitation dans la bassesse de ses personnages qui sont souvent des bouffons, au comique peu raffiné.

Mais aussi Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, 1853 : «Hegel fait remarquer quelque part que, dans l'histoire universelle, les grands faits et les grands personnages se produisent, pour ainsi dire, deux fois. Il a oublié d'ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde comme farce.»

-Au niveau de la thématique et de la manière de la traiter :

La tragédie traître de nobles sujets, de « grands sujets », on pourrait résumer par : les sujets les plus hauts y sont traités dans un langage sublime ou qui se veut sublime.

La farce serait à l'inverse le paroxysme de la bassesse : les sujets les plus bas, abordés parfois dans un langage allant jusqu'à la grossièreté.

-Au niveau de la rhétorique :

Une certaine « monstruosité » commune à la farce et à la tragédie dans l'écart langagier : vers le haut ou vers le bas à propos de l'ordinaire, de la norme ou encore du style moyen de la comédie.

 3. Une folie et un sens de l'impossible

 Victor Hugo : «Le théâtre n'est pas le pays du réel.»

 

-Le « sens de l'impossible » a, en quelques sortes, déjà été abordé au sujet des personnages. Il n'y a pas d'impossible quant aux personnages convoqués sur la scène de la tragédie, où peuvent se rencontrer des dieux, des rois...

-A propos de la tragédie on pourra remarquer aussi que le sens de l'impossible se développe de par le destin. En effet, la fatalité étant inhérente à la tragédie, il est nécessairement impossible d'y échapper, autant que la tragédie se terminera mal.

-Antoine Vitez reconnaît aussi ce sens de l'impossible dans « La farce est une catégorie du conte de fées. Tout y est excessif, impossible. C'est un rêve ou un cauchemar. »

-En ce qui concerne la folie il est intéressant de remarquer qu'elle est autant présente dans la farce que dans la tragédie mais qu'elle s'y décline de manière tout à fait opposée. La folie est pathétique et tragique dans la tragédie (on se souviendra de Médée tuant ses deux enfants), et elle n'est que bouffonnerie dans la farce (ne parle-t-on pas du « fou du roi »?)

 

II. Cependant ces deux genres dramatiques sont généralement opposés.

 Schématiquement, deux grands pôles : tragique et comique.

 1. Aristote, le Moyen Âge et la scission des genres

 -Pour Aristote, la tragédie se définit comme la « Représentation d’une action noble, menée jusqu’à son terme et ayant une certaine étendue dans un langage relevé d’assaisonnements variés...en représentant la terreur et le pitié, elle opère une purgation des émotions de ce genre ». En ce sens elle s'oppose à la comédie dont Aristote parle cependant très peu.

-A l'inverse la farce se définirait par son comique caricatural, facilement obscène et grossier. La farce peut servir à légitimer les genres comiques considérés comme mineurs et toujours définis par rapport à la tragédie.

-L'on voit clairement que tout semble opposer les deux genres, avec d'un côté la tragédie et ses personnages et ses sujets hauts et nobles, et de l'autre les genres comiques avec leurs personnages et leurs sujets bas et plus précisément la farce et son « comique vulgaire ».

 2. La dépréciation de la farce par rapport à la tragédie

-D'Aubignac qualifiant la farce d' « impertinente bouffonnerie » et ajoutant : « ouvrages indignes d’être mis au rang des poèmes dramatiques, sans art, sans parties, sans raison, et qui n’étaient recommandables qu’aux marauds et aux infâmes ». Boileau dans son Art Poétique fait de même.

La tragédie reste élevée, peut-être même plus encore face à la farce.

-Il est aussi intéressant de citer d'Aubignac qui prône la séparation totale des genres par crainte du danger de contamination, d’autant plus que la comédie se rapprochait de la farce(cf. Boileau). De plus il déplore beaucoup l’emploi du mot « tragi-comédie » car il estime que les deux genres ne peuvent absolument pas se rapprocher : la tragédie se rapproche de l’épopée ; la comédie se rapproche de la farce.

-La différence entre farce et tragédie ne se limite pas au contenu puisqu'au siècle classique, chaque genre à son public. De même que la tragédie, tout comme la comédie, peuvent se jouer à la comédie française, ce n'est pas le cas de la farce.

 

III. Pourtant, qu'importe le sujet abordé et la manière dont il est traité, le principal est l'appartenance au genre dramatique.

 1.La farce chez Molière, une tentative de rapprochement à la comédie pure

 -Molière révolutionne le genre en introduisant des éléments farcesques tout en respectant les règles classiques. Ainsi, si la farce seule ne respecte pas la règle des trois unités, son introduction dans la comédie lui permet de se « plier » aux règles classiques.

-La tradition du portrait chez Molière est un bel exemple de l'introduction de la farce dans la comédie : l'attaque des défauts devient moins intemporelle que dans la tradition comique. Molière entre « dans le ridicule des hommes » de son époque, il fait des allusions aux mœurs de son temps.

-Ainsi, Molière rapproche la farce des grands genres : de la comédie, mais aussi, par extension, de la tragédie.

2. Les genres intermédiaires

 -Dès le Moyen Âge de fait on voit apparaître des genres intermédiaires aux deux grands genres que sont la tragédie et la comédie. Ogier dans la Préface de Tyr et Sidon de Schélandre  écrit : « La poésie, et particulièrement celle qui est composée pour le théâtre n'est faite que pour le plaisir et le divertissement et ce plaisir ne peut procéder que de la variété des événements qui s'y présentent. » D'où un mélange des genres (mêler classes sociales, tonalités...) donnant lieu à une véritable hybridation des genres pour imiter la diversité de la nature (Cf. théâtre dans le théâtre).

- La tragi-comédie : on pourra citer la première Bradamante de Robert Garnier, des héros nobles et une fin heureuse. Forme capables de se faire les miroirs d'une nature caractérisée par sa grande diversité.

-Le drame bourgeois : Diderot plaidant pour un système dramatique non plus fondé sur la séparation des genres, mais allant chercher ailleurs dans l’intervalle entre tragédie et comédie, sur un axe avec des variantes possibles. Il serait question d'un genre moyen entre deux extrêmes. Entretien avec le fils naturel. Il revendique des « bourgeois dans le drame, des nobles dans la comédie ».

3.La remise en cause de la question du genre

-De fait, à chercher un genre intermédiaire en vient la remise en cause de la définition même du genre, principalement après la Révolution : Victor Hugo par exemple mélange le grotesque et le sublime dans Hernani, Alfred de Musset de même dans Lorenzaccio.

- La notion de genre est remise en cause, de même que les registres sont mêlés. On constate une tendance au déclin du rire et du comique dans les tragédies alors que la tendance à l’accroissement du tragique dans la comédie se confirme.

-Pour certaines pièces on ne sait plus à quel genres elles appartiennent : La Cerisaie de Tchekhov par exemple, pièce comique pour certains, tragique pour d'autres.

 

En conclusion nous pourrons rapprocher la citation de Vitez à la tragédie contemporaine» de Beckett et Ionesco ainsi qu'au «théâtre de la cruauté» d'Antonin Artaud. Nous citerons à ce titre Jean-Marie Domenach dansRetour du tragique, 1963 : «La tragédie ne revient pas du côté où on l'attendait, où on la recherchait vainement depuis quelques temps — celui des héros et des dieux —, mais de l'extrême opposé, puisque c'est dans le comique qu'elle prend sa nouvelle origine, et précisément dans la forme la plus subalterne du comique, la plus opposée à la solennité tragique : la farce, la parodie. L'acte de naissance de la tragédie contemporaine, c'est la guignolade du lycéen Jarry. »

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Commentaires
M
Et un sincère remerciement à..., pour m'avoir apporté de nouvelles connaissances.<br /> Hélas,le peu de temps dont je dispose ne m'a pas permis d'en prendre compte autant que je l'aurais souhaité.
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